et comment l’orthopédagogie peut aider à reconstruire le lien avec le savoir
Chaque rentrée scolaire apporte son lot d’excitation, de nouveaux cahiers et de bonnes résolutions. Mais pour certains jeunes, l’école n’est pas un terrain d’aventure : c’est un champ de mines émotionnel. La simple idée de franchir le portail déclenche des angoisses, des nausées, voire des crises de panique. On parle alors de phobie scolaire — un trouble complexe, souvent mal compris, qui plonge familles et enseignants dans un profond désarroi.
Et si on cessait de vouloir « forcer le retour » à tout prix, pour d’abord reconstruire le lien de confiance avec l’apprentissage ?
Contrairement à une idée reçue, la phobie scolaire n’est ni un caprice, ni un simple manque de motivation. C’est une réaction anxieuse intense face à l’école ou à certaines situations scolaires.
Elle s’installe souvent progressivement : maux de ventre le matin, crises de larmes, puis absences répétées… jusqu’au décrochage complet.
Sous cette angoisse se cachent souvent :
- la peur du jugement ou de l’échec,
- une hypersensibilité aux exigences sociales ou scolaires,
- une surcharge émotionnelle ou cognitive,
- ou encore des expériences scolaires douloureuses (harcèlement, humiliations, pressions…).
Le jeune ne fuit pas l’école par paresse, mais parce qu’il y vit une détresse. L’évitement devient alors un mécanisme de survie : ne pas aller en cours, c’est éviter la peur. Problème : plus il évite, plus la peur grandit.
Le rôle de l’adulte : entre sécurité et cadre
Les parents oscillent souvent entre deux pôles : comprendre et réagir. Faut-il insister ? Faut-il lâcher prise ?
La réponse n’est jamais toute faite.
Le rôle du parent, comme celui des professionnels, est d’offrir une base de sécurité sans nourrir l’évitement.
Quelques repères utiles :
- Valider les émotions sans les amplifier : « Je vois que c’est difficile, mais tu n’es pas seul·e. »
- Éviter les discours culpabilisants : « Il faut y aller, tout le monde y va ! »
- Maintenir un rythme, même allégé : repas, sommeil, activité cognitive légère.
- Et surtout : ne pas confondre repli et repos — rester à la maison ne doit pas signifier se couper du monde.
La reconstruction : un chemin par petites touches
La guérison de la phobie scolaire ne se décrète pas, elle se construit pas à pas.
L’objectif n’est pas de “revenir à l’école coûte que coûte”, mais de réapprivoiser l’apprentissage et de retisser le lien social.
Les retours les plus durables se font progressivement :
- Reprendre contact avec un pair ou un adulte de confiance.
- Participer à une activité extérieure neutre (médiathèque, atelier, sport doux).
- Réintroduire une stimulation cognitive plaisante.
- Travailler sur des micro-objectifs scolaires.
Chaque petite victoire compte : lire dix minutes, finir un exercice, oser se reconnecter à une plateforme scolaire… C’est le retour de la confiance en action.
Et l’orthopédagogie dans tout ça ?
L’orthopédagogie intervient à ce moment charnière où le jeune est en décrochage cognitif mais pas en perte de potentiel.
Le rôle de l’orthopédagogue n’est pas d’imposer un programme scolaire, mais de réconcilier l’élève avec le fait d’apprendre.
💬 L’espace de l’orthopédagogue, un lieu sans menace
L’élève y retrouve un adulte neutre, bienveillant et sécurisant, hors du cadre scolaire anxiogène.
L’objectif premier : restaurer la sécurité affective et cognitive.
Apprendre à nouveau devient possible parce que le cadre ne fait plus peur.
🪶 Des approches douces et ajustées
L’orthopédagogue propose :
- des activités cognitives courtes, plaisantes et sans évaluation ;
- un travail sur la confiance en soi et le sentiment de compétence ;
- des outils de régulation émotionnelle pour apprendre à apprivoiser l’anxiété ;
- un accompagnement progressif vers la reprise scolaire, en lien avec la famille et les professionnels de santé.
Le mot d’ordre : désamorcer la peur de l’échec par la réussite vécue.
Chaque petite réussite reprogramme le cerveau à l’idée que “savoir” peut être source de plaisir et non de danger.
La phobie scolaire ne se traite pas en silo. Elle appelle une synergie d’intervenants : psychologue, médecin, orthopédagogue, enseignants, famille.
Chacun agit sur une facette du problème :
- le psychologue sécurise l’émotionnel,
- l’école aménage le cadre,
- l’orthopédagogue rétisse le lien entre l’enfant et le savoir.
C’est une danse fine entre sécurité, sens et autonomie.
Et lorsque la jeune ose à nouveau apprendre, ne serait-ce qu’un peu, c’est le signe que la peur commence à reculer.
En conclusion : redonner du souffle avant de redonner des cours
Accompagner un élève phobique, c’est d’abord réparer un lien blessé.
Avant de parler d’orthographe ou de fractions, il faut parler d’apaisement, de confiance, de plaisir.
Parce qu’un cerveau terrorisé n’apprend pas — mais un cerveau rassuré, curieux et soutenu peut déplacer des montagnes.
Alors oui, la route est parfois longue.
Mais à chaque pas, à chaque sourire retrouvé, on se dit que ça en valait la peine.